Quantcast
Channel: Madame Figaro - Hubert de Givenchy
Viewing all articles
Browse latest Browse all 18

Amulettes, ésotérisme, imprimés New Age... La mode plus que jamais en quête de spiritualité

$
0
0
La mode en quête de spiritualité

À l'image des défilés printemps-été 2019 Tory Burch, Paco Rabanne, Altuzarra, Chloé ou encore Christian Dior, la quête du style se nourrit de spiritualité.

Univers magique, pensée positive, références aux mythes... plus que jamais, la mode aime l’ésotérisme. Mais quelle est la part des enjeux stratégiques et des convictions profondes ? Analyse.

En pleine Fashion Week parisienne, la maison Chloé a convié ses invités à la Maison de la radio pour une grande séance de méditation. Sur fond de musique trance signée The Age of Love, les tee-shirts tie and dye dévoilent un motif de mains levées en cœur sous un coucher de soleil, symbole d’une féminité sacrée. La collection est baptisée Hippie moderniste, en référence à une exposition organisée en 2015 au Walker Art Center, à Minneapolis. Un voyage spirituel imaginé par la directrice artistique Natacha Ramsay-Levi, qui évoque l’importance d’un retour vers une philosophie new age. «J’ai voulu raconter l’histoire d’une communauté hippie qui veut réinventer une nouvelle façon de vivre, recommencer à zéro», explique-t-elle. Pour se protéger ou se rassurer, les mannequins portent des colliers d’amulettes. Dans le même esprit, quelques jours auparavant, à la Fashion Week de New York, chez Tory Burch, les tops apparaissent tenant à la main un komboloï. Ce fétiche en forme de chapelet est utilisé pour se détendre et calmer son esprit.

La mode céderait-elle aux sciences occultes ? Nombreux sont les créateurs à se passionner pour l’astrologie, la numérologie, la lithothérapie ou encore le chamanisme : une vague qui dépasse le strict cercle de la mode, à l’heure où le surnaturel fait son grand retour dans la société.

L’élan vers l’occulte

L’attrait de la mode pour l’ésotérisme ne date pas d’aujourd’hui. En 1938, Elsa Schiaparelli, proche des surréalistes férus de mysticisme, dévoile sa collection Astrologique, inspirée par le système solaire et les constellations. Sa rivale, Coco Chanel, réputée superstitieuse, ne cachait pas sa fascination pour le zodiaque, et particulièrement pour le Lion, son signe astrologique. Au 31, rue Cambon, elle vivait entourée de boules de cristal et de sculptures de lions. «Je crois à la quatrième dimension et à une cinquième, disait-elle. C’est né du besoin d’être rassurée, de croire que l’on ne perd jamais tout et qu’il se passe quelque chose de l’autre côté» (in Coco Chanel, de Marcel Haedrich, Éd. Belfond, 1987). Fidèle à la créatrice, la maison Chanel perpétue la tradition : ainsi, le lion revient régulièrement dans les lignes de joaillerie, comme un talisman d’or et de diamants.

Autre figure de la mode, Christian Dior, qui croyait au destin et aux signes, gardait toujours dans sa poche un trousseau de charms avec une étoile, un cœur et tous les autres objets qui lui portaient chance. Passionné de cartomancie, il n’écoute pourtant pas les prédictions de sa voyante, qui lui déconseille son voyage à Montecatini, en Toscane, en 1957. On connaît la fin tragique de ce périple… Maria Grazia Chiuri, la directrice artistique des collections féminines chez Dior, ponctue régulièrement ses créations de références au tarot, clins d’œil à la superstition du fondateur de la maison. On dit aussi qu’Hubert de Givenchy dormait sous le crucifix offert par Cristóbal Balenciaga .

En 2019, rares sont les créateurs qui échappent au phénomène. Chez Loewe, sur le dos d’un mannequin, on aperçoit une peinture stylisée de la Terre vue de l’espace, comme une référence au cosmos. «Cette passion pour les forces surnaturelles irrigue la société dans son ensemble : on remarque le succès grandissant des librairies ésotériques, des magnétiseurs, de l’hypnose, un attrait renouvelé pour le tarot, la géomancie ou encore la figure de la sorcière.

La mode en quête de spiritualité

Détail maquillage en référence au cosmos du défilé Loewe printemps-été 2019.

Paradoxalement, le culte de la transparence offre un nouveau souffle au mystère, au sens caché des choses», détaille Bertrand Matot, auteur de l’ouvrage Paris occulte (Éd. Parigramme, 2018). Ainsi, chez Altuzarra, les robes et les vestes s’ouvrent au niveau du diaphragme. «Cette zone abrite le chakra du plexus solaire, qui est lié à notre force intérieure, notre pouvoir personnel. D’un point de vue métaphorique, ces ouvertures sur les vêtements sont une invitation à libérer notre moi le plus réel, à révéler notre vraie nature mais aussi notre vulnérabilité», indique le créateur Joseph Altuzarra, qui a d’ailleurs commencé à pratiquer la méditation. «Cette résurgence des sciences occultes signale un besoin d’extérioriser nos angoisses pour mieux se ressourcer. Dans une société où seule l’apparence, la performance, la compétition et l’utilitaire comptent, nous sommes de plus en plus nombreux à rechercher autre chose, une quête de sens», poursuit Bertrand Matot.

Spiritualité, métaphysique et astrologie

Montée des incertitudes, remise en cause des idéaux de progrès, discours des collapsologues de plus en plus relayés par les médias, l’anxiété environnante est aujourd’hui palpable. Tout est bon pour se rassurer. «La crise écologico-humaniste que nous traversons suscite des angoisses dont on cherche à se prémunir, détaille Marc Abélès, anthropologue et ethnologue. Cela se traduit par un retour à la notion d’intériorité. Nous assistons à une forme de dégoût de la société du spectacle, du “donner à voir” permanent qui ne semble plus combler le vide de l’existence ; le corollaire est une recherche d’expériences métaphysiques. Ainsi, par exemple, des études récentes réalisées par des anthropologues ont montré l’attrait des nouveaux riches chinois pour la méditation, les services de gourous et des retraites dans des temples».

Chez Paco Rabanne, le directeur artistique Julien Dossena s’est inspiré des ashrams, ces ermitages indiens situés en pleine nature, où l’on se rend pour pratiquer la méditation. Apôtre de la mode éthique et responsable avant tout le monde, Stella McCartney est une grande adepte de la méditation transcendantale, tout comme son père. Quand la mode devient de plus en plus virtuelle et que des mannequins avatars deviennent égéries de marque, la quête de spiritualité vient en réaction, comme un pendant émotionnel.

Besoin de transcendance

PHO1a67a794-1281-11e9-aaae-c83fe80d860c-380x479.jpg

Silhouette Altuzarra printemps-été 2019.

La jeune génération est particulièrement touchée par cette vague occultiste et se passionne en particulier pour l’astrologie, discipline qui sied bien à la culture Internet. Horoscopes quotidiens, taroscopes sur YouTube, applications personnalisées, comptes Twitter spécialisés : les réseaux sociaux répondent à ce besoin de transcendance. Une nouvelle génération d’astrologues communique sur les thèmes astraux directement sur Instagram, à l’instar d’Annabel Gat et Chani Nicholas, deux Américaines populaires auprès des millennials. En cette époque incertaine, ces pratiques révèlent un besoin de se reconnecter à soi, de questionner l’ordre établi et surtout de chercher des réponses ailleurs.

Sophie Keller, astrologue suisse depuis 2015, avoue n’avoir jamais été autant sollicitée qu’aujourd’hui. «La société souffre d’un manque de repères. La plupart des personnes que je reçois en consultation s’interrogent sur leur existence, elles souhaitent infléchir le sens de leur destinée, comme mues par un désir de transcendance. Elles ne viennent pas pour savoir si elles vont gagner au loto ou rencontrer le prince charmant, elles cherchent à être dans leur plein potentiel. Mon approche astropsychologique, non prédictive, injecte du sens dans leur vie et les aide à prendre les bonnes décisions, comme une béquille», analyse cette dernière. L’astrologie est de plus en plus perçue comme un moyen d’émancipation et plus encore comme l’expression d’un féminisme nouveau. Elle inviterait à lâcher prise, à se ressourcer intérieurement. «Hier comme aujourd’hui, les femmes mesurent combien le spiritualisme peut servir la cause de leur émancipation véritable. C’est en France, au moment de la révolution industrielle et du triomphe du matérialisme, qu’est né le féminisme spiritualiste avec la duchesse de Pomar et les journalistes Lucie Grange et Olga de Bézobrazow, qui attendaient la venue d’un messie qui devait être une femme, une Ève nouvelle», décrypte Bertrand Matot.

La nouvelle promesse du luxe

«Nous assistons à une convergence entre un luxe matérialiste et un luxe spirituel : il n’y a donc rien d’étonnant à ce que cette quête métaphysique retentisse dans les produits eux-mêmes», commente Marc Abélès, auteur d’Un ethnologue au pays du luxe (Éd. Odile Jacob, 2018). Entre marketing et démarches sincères, la lithothérapie n’a jamais eu autant le vent en poupe.

Ainsi, Victoria Beckham, qui s’intéresse de près aux pouvoirs des pierres, a disséminé des cristaux, pour leurs ondes positives, dans toute sa précollection automne 2018. Même état d’esprit chez Viktor & Rolf, qui, pour leur première collection de haute joaillerie, ont utilisé «des pierres précieuses et semi-précieuses qui, au contact de la peau, transmettent leurs vibrations curatives et protectrices […], élevant l’esprit.» Les cosmétiques ne sont pas en reste, en témoignent la multiplication des crèmes dites antistress, comme le gel Skin Meditation de la marque américain Knours, réservé aux «peaux anxieuses», ou encore les lotions zen de Tony & Tina, qui «boostent l’estime de soi, réduisent la peur, envoient des signaux pour libérer de la sérotonine ou réduire les pics de cortisol». Des crèmes à appliquer en suivant le calendrier lunaire ou selon des gestuelles précises, pour réguler nos émotions et nos vibrations corporelles. Et si, en 2019, la nouvelle promesse du luxeétait de nous rassurer ?


Viewing all articles
Browse latest Browse all 18

Latest Images





Latest Images